On nous répète à longueur de temps que le marché du recrutement est sous tension. Et ces dernières années, les signaux se multiplient : baisse des volumes de postes, augmentation des délais de recrutement, moins d’offres acceptées, visibilité faible.
Les résultats du T1 2025 de PageGroup (-11,7% de gross profit), Hays (-9% de net fees) et Robert Walters (-16% de net fees), le confirment : Oui, l’activité ralentit, pendant que la pression, elle, continue de marteler les cabinets de recrutement sans relâche.
Pour les consultants, c’est la double peine. Plus de missions complexes et toujours l’exigence de livrer vite et bien.
Alors, effets conjoncturels ou pression structurelle ? Et si le constat était plus nuancé ?
Toutes les réponses aux côtés d’Amaury de Moulins, directeur associé outsourcing et du collectif indépendant du cabinet FAB Group. Il offre un éclairage précieux sur les dessous du recrutement en cabinet et les pistes pour recruter sans (trop) s’épuiser.
Le juste milieu entre pression conjoncturelle et structurelle
"On est un des rares métiers où on a 2 clients. On vend une entreprise à un candidat, et un candidat à une entreprise. Sauf qu’on ne vend pas un objet, on vend de l'humain." Cette phrase d’Amaury en dit long sur la tension propre à la fonction.
C’est une réalité. Le recrutement en cabinet est par nature un métier de pression. Les consultants sont pris entre les attentes parfois floues des entreprises et les réactions imprévisibles des candidats. Même le meilleur matching ne garantit pas la signature.
Pour les juniors, sans un portefeuille client solide, la difficulté est encore plus palpable. Sans méthode ni repères, ils subissent plus vite la pression.
"Un senior expérimenté sait comment s’adapter, un junior, lui, peut vite perdre pied.” Amaury.
On peut légitimement s’interroger sur la responsabilité des cabinets, à bien recruter en interne, former, accompagner, structurer les premières années. Et ce n’est pas tout. Car à cette pression "de base" s’ajoute la course à la vitesse et à la qualité : livrer vite, bien et parfois l’impossible. Le combo parfait pour créer une tension maximale.
D’après Amaury, cette pression structurelle a toujours existé. Mais elle est amplifiée par le contexte conjoncturel. Ralentissement économique, gel des embauches, réticence à s'engager en CDI. En 2024, certains secteurs (start-ups notamment) ont vu les missions se raréfier, tandis que d’autres comme la grande distribution ont continué à recruter.
Le résultat : une surcharge accentuée, entre urgence métier et incertitude marché.
Surcharge en cabinet : comprendre les causes et conséquences
Qu’est-ce que cette surcharge change dans le quotidien des cabinets ? Comment elle influence la vie des recruteurs ?
Pressés = moins précis ? Les effets visibles de la surcharge
Une des premières conséquences soulevées par Amaury, c’est la baisse de la qualité. En effet, un consultant surchargé va chercher à aller plus vite, au détriment de la qualité du travail. Résultat ? Moins de temps pour comprendre le besoin client, pour accompagner les candidats, pour ajuster les profils.
Cette précipitation crée un effet domino : candidats mal préparés, briefs survolés, allers-retours plus nombreux et une relation client fragilisée.
Et plus le consultant veut aller vite, plus il bâcle, perd un temps fou, s’épuise, perd confiance et ça n’en finit jamais.
C’est un vrai cercle vicieux.
Consultant sous tension : quand le métier pèse (trop)
Le métier de consultant en recrutement est exigeant. Et il ne convient pas à tout le monde. "Je pense qu’on subit plus la pression quand on n’est pas à la bonne place.”Amaury
Oui c’est vrai, il y a une forme de tension déjà ancrée par rapport au métier en lui-même, comme une pression naturelle. Avec les horaires irréguliers, les objectifs mensuels, les imprévus humains. La charge mentale ne se voit pas, mais elle s’invite partout.
Être un consultant, c’est être un commercial. Une réalité souvent mal comprise par ceux qui le découvrent. Le recrutement interne a alors un impact direct, il faut repérer les bons leviers de motivation (performance, rémunération, relation client) pour éviter les erreurs de casting.
Ensuite, à ça il faut ajouter le contexte et l’environnement : La direction joue ici un rôle clé. Un consultant mal accompagné, mal managé, sans structure ni cap, c’est une surcharge assurée pour lui, pour son manager, pour le cabinet.
Pas d’organisation, pas de méthode. Pas de méthode, plus de pression.
Avec pour conséquence, un turnover élevé, bien connu des cabinets malheureusement, surtout chez les juniors. Ils quittent rapidement le navire, faute de cadre, ou simplement parce que ce n’est pas le bon métier.
5 pistes concrètes pour alléger la charge des cabinets
1. Une organisation claire, portée par la direction
Amaury insiste : "Organisation et discipline, c’est ce qui permet aux juniors de ne pas se perdre. Sans ça, les consultants improvisent et s’épuisent.”
2. Mieux prioriser les missions (quand c’est possible)
Oui, certaines missions sont bancales, éreintantes, coûteuses. Dire non, reste rare en cabinet, mais on peut orienter, réassigner, challenger. Protéger ses consultants, c’est aussi savoir refuser ou rediriger intelligemment.
3. Former et structurer, côté consultants et managers
C’est l’heure de former à la posture de conseil, au pilotage de temps, au cadrage client. À la clé : réduction des étapes inutiles, co-construction d’un recrutement efficace et surtout, on évite de courir après un mouton à 5 pattes qui n’existe pas.
4. Valoriser autrement : manager n’est pas une promotion automatique
La performance ne justifie pas une promotion. Bien manager, ça s’apprend. Manager est une compétence, pas un statut. Et sans formation, le risque est de faire fuir toute une équipe.
Pourquoi pas envisager des alternatives pour valoriser la performance, sans imposer le management : évolution horizontale, bonus, reconnaissance métier.
5. Les outils ? Oui, mais avec parcimonie
Base de données, cvtheque, licence linkedin, etc. Tous ces basiques qui vont directement impacter la performance, feront effectivement la différence.
En revanche, des outils de facilitation, tels que Noota ou ChatGPT peuvent être intéressants, mais ils ne suffisent pas à compenser tout le volet organisationnel du cabinet, la gestion de la pression, l’amour du métier. Bonus de confort, oui. Solution miracle, non. Ce sont des alliés uniquement si les fondations sont consolidées.
Amaury partage un petit point de vigilance : plus d’outils = plus d’attentes. Un cabinet très outillé pourrait, par effet pervers, exiger plus de résultats sans tenir compte du contexte.
Sous pression, mais pas sans solutions
Surcharge structurelle ou conjoncturelle ? Un peu des 2 mon capitaine !
Le recrutement en cabinet est un métier sous pression, par essence. Mais la conjoncture peut aggraver l’équation.
Pour tenir, il ne s’agit pas seulement d’avoir un bon ATS ou un super outil IA : il faut de l’organisation, un bon recrutement en interne, une culture managériale claire et de la motivation intrinsèque.
"Faut aimer ce métier. Le subir, c’est déjà trop tard." Amaury.
Travailler mieux ensemble, entre clients, managers et consultants, est sans doute le levier le plus durable pour faire face à la surcharge, sans couler. Et continuer de recruter, en gardant la tête hors de l’eau.
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